En Afrique du Sud, l’école des leaders africains de demain
Par petit groupe d’une demi-douzaine, les élèves, traqués par un soleil pesant et mordant papotent ou pianotent sur leurs ordinateurs dans la relative fraîcheur qu’offrent les arbres du campus. D’autres finissent leur repas dans le vacarme de la vaste cantine, dont le plafond s’orne des drapeaux des pays africains. Situé dans la lointaine banlieue de Johannesburg en Afrique du Sud, ce lycée, pas tout à fait comme les autres, a la volonté de porter hauts les couleurs de l’Afrique. Triés sur le volet à travers tout le continent africain, les 180 élèves de l’African Leadership Academy (ALA) sont amenés à devenir les leaders de demain d’un continent durement touché par la fuite des cerveaux.
Lancé en 2008 par un groupe d’amis issus des milieux d’affaires, l’ALA veut former la future élite africaine, pendant deux années, celles qui précèdent l’entrée à l’université ou dans les grandes écoles. » L’Afrique a tendance à envoyer ses meilleurs éléments en Angleterre, aux Etats-Unis. Ils y perdent une partie de leur culture et sont déconnectés de leur continent d’origine. Combien revienne… ? Pas beaucoup, alors que le continent regorge d’opportunités. C’est un paradis pour les entrepreneurs. Nous cherchons donc à donner à ceux qui ont le plus grand potentiel l’envie de participer à la croissance et au développement de l’Afrique « , explique Fred Swaniker, le pdg et l’un des fondateurs. A l’ALA, une très grande partie du programme est consacré à l’Afrique, à son histoire, sa géographie, mais pas seulement. » Quand les élèves abordent les statistiques, le professeur s’appuie sur l’exemple des élections kenyanes « , poursuit-il. En littérature, ils travaillent sur les ouvrages de Mandela. Un leitmotiv au coeur même du processus de sélection. Au delà des résultats et des bonnes aptitudes, les candidats doivent écrire un essai sur leur vision de l’Afrique. L’enseignement insiste aussi fortement sur la notion de leadership et d’entreprenariat.
La première année, l’institution a reçu 1 700 candidatures pour moins de 100 places. Pour la deuxième rentrée, le chiffre est monté à 2 500 candidatures de 41 pays. Celles-ci remontent par le biais de représentants locaux de l’école au Kenya, au Maroc, au Sénégal, au Nigéria et en Afrique du Sud et à travers 2 000 établissements relais, qui proposent leurs 4 meilleurs élèves. L’African Leadership Academy a aussi des partenariats avec certains ministères de l’éducation, des ong et même le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. La première année ont ainsi été recruté deux réfugiés : un du Congo et un autre du Soudan.
Avec les cinq millions de dollars de budget, que l’institution perçoit de mécènes (particuliers et entreprises), elle propose de nombreuses bourses d’études. » 85 % des étudiants en bénéficient « , assure Fred Swaniker. Les frais de scolarité s’élèvent à près de 15 000 dollars. Un tarif élève mais qui peut se justifier par les conditions de travail plus que confortables : vaste bibliothèque, huit hectares qui abritent de nombreux équipements sportifs et des classes qui ne dépassent pas 16 élèves. Pas moins de 35 professeurs assurent l’enseignement, dans des classes confortables, lumineuses et bien équipées.
» La diversité est exceptionnelle ici, il n’y a aucun endroit avec autant de nationalités. Il y a beaucoup d’échanges culturels : la danse, la nourriture. A force on ne reconnaît plus nos accents, rigole Ndeye, 18 ans, Sénégalaise. Boursière, elle, qui ne paie que 900 dollars de frais de scolarité, est lassée de la manière dont les médias occidentaux traitent l’Afrique : » Cela se limite aux guerres, à la misère, à la corruption. Cela existe, on ne peut pas le nier, mais ce continent ne se résume pas à cela « . Le regard déterminé, elle sait déjà où elle va. Elle veut travailler dans le domaine de la santé. » Je sais que je vais revenir, entre le paludisme, le sida, il y a beaucoup de travail ici « , assure-t-elle.
C’est bien l’enjeu de cette école. Une fois les élèves diplômés des meilleures universités, qu’ils reviennent en Afrique. La direction de l’école leur organise ainsi des stages sur le continent pendant leur cursus universitaire aux Etats-Unis ou ailleurs, afin qu’ils ne perdent pas le contact avec l’Afrique. Et si dans 10 ans, ils ne sont pas revenus en Afrique, l’African Leadership Academy demandera aux anciens élèves de payer les frais de scolarité et la somme des intérêts accumulés. Car les bourses ne sont pas un cadeau, mais un prêt, sous forme de pari sur l’avenir.
Source:L’expansion
Visiter le site Web de African Leadership Academy (ALA)